Difficile pour un voyageur de passage en Australie d’appréhender les complexités de la culture aborigène. Ancestrale et plurielle, elle est intimement liée à celle de ses différentes communautés, possédant chacune leurs propres rites, croyances et traditions. Lumière sur l’histoire et les résonances actuelles des peuples aborigènes d’Australie.
Les premiers habitants d’Australie
Venus d'Asie du Sud-Est il y a plus de 40 000 ans, les Aborigènes sont les premiers hommes à avoir foulé le sol australien. Durant des millénaires, ils ont été les seuls à habiter cette immense île-continent. Semi-nomades, ces centaines de tribus se déplaçaient en petits groupes de familles à travers de vastes régions. Éparpillés sur le territoire australien, ils vivaient de chasse, de cueillette et de pêche. En grande partie isolés du reste du monde, les Aborigènes ont naturellement développé leurs propres cultures, religions, langues, lois, croyances et frontières tribales. Un mode de vie totalement bouleversé par l’arrivée des Européens au XVIIe siècle, suivis de près par l’explorateur James Cook et les colons britanniques qui proclament la loi de « terra nullius ». L’Australie devient alors une terre sans propriétaires. Un drame pour ces ethnies originelles, qui vont subir une sombre politique d’assimilation, des conflits meurtriers et des vagues de maladies apportées par les colons.
La culture aborigène
Peerapper en Tasmanie, Pitjantjatjara dans le désert central d’Australie Uutaalnganu dans la péninsule du Cap York… Difficile de parler d’une seule « culture aborigène » australienne, tant l’organisation de ces communautés varie selon les régions. Aussi différents soient-ils, ces peuples ont en commun une puissante connexion à la nature et une spiritualité liée à la terre et au cosmos. Selon leur religion, rochers, montagnes, lacs et prairies portent l’empreinte des esprits créateurs qui ont donné vie aux paysages australiens. Essence même des croyances aborigènes, cette philosophie du Dreamtime ou Temps du Rêve renvoie à un espace intemporel où humain, animal et minéral coexistent en pleine harmonie.
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L’art au cœur des traditions
Les cérémonies rituelles, chants, danses et peintures permettent ainsi de maintenir le lien entre le monde des vivants et celui des ancêtres. Les mythes du Dreamtime se manifestent notamment dans l’art rupestre, au travers de peintures sur sol, bois ou tissu. Chargées de symboles, motifs et couleurs, ces œuvres d’art racontent la connexion entre ces peuples et leur terre. Plus qu'une simple représentation visuelle, l’art rupestre va transmettre l’histoire et les légendes aborigènes d’une génération à l’autre. Expressions profondes de leur identité culturelle, la danse et la musique célèbrent leur relation intime à la terre et à la nature. Au même titre que le clapping stick, le didgeridoo accompagne les danses et chants des différentes tribus. Fabriqué à partir de troncs d’eucalyptus creusés par les termites, cet instrument de musique est emblématique de la culture aborigène. Ce serait également le plus ancien des instruments à vent ! Aujourd’hui, certaines communautés s'ouvrent au tourisme et le pays compte de nombreux lieux où explorer l’histoire de ces communautés.
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Dreamtime en Terre d’Arnhem
Mystérieuse, intrigante, fascinante, Arnhem Land est l'un des territoires les plus reculés d’Australie. Isolé près du parc national de Kakadu, dans le Northern Territory, la zone a été déclarée réserve aborigène en 1931. Sauvage et spirituelle, cette région est méticuleusement préservée du reste du monde. Une autorisation du Conseil Aborigène est ainsi nécessaire pour pénétrer sur ces terres sacrées. Au milieu de ce littoral accidenté, entre les forêts tropicales moussues et les savanes boisées, l’immersion est totale, l’expérience mémorable. Ici et là, on peut observer des peintures rupestres millénaires, à l’image de celles d’Injalak Hill, ce colosse majestueux planté au cœur de plaines marécageuses. Au cours d’une balade sur ce site sacré, ne manquez pas la visite du centre d'art et d'artisanat d'Injalak. L’occasion unique d’aller à la rencontre d’artisans aborigènes et de les voir peindre sur écorce ou tresser des paniers traditionnels.
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Les peintures rupestres de Kakadu
Le parc national de Kakadu marque durablement la mémoire de ceux qui ont le privilège de s’y aventurer. Au nord du Northern Territory, le plus grand parc national d’Australie renferme des paysages quasi irréels. Forêts chlorophylles, falaises de grès, billabongs scintillants, gorges plongeantes, prairies verdoyantes… Ici, le temps semble comme figé. Au milieu de ces décors féériques se cachent des ensembles d’art rupestre parmi les plus beaux du pays. Plus de 5 000 sites ont été recensés, dont seulement deux sont ouverts au public : Ubirr Rock et Nourlangie Rock, abritant des peintures vieilles de plusieurs milliers d’années. Non loin de là, les centres culturels et musées de Bowali et de Warradjan s’attachent à valoriser le patrimoine aborigène de la région.
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Virée sur les terres autochtones et sauvages du Kimberley
Rochers ocre à perte de vue, gorges vertigineuses, plateaux arides, stations d’élevages… Au nord-ouest de l’Australie, le Kimberley exhibe ses richesses naturelles comme autant de petits mondes à explorer. Région la plus reculée du pays, accessible uniquement durant la saison sèche, c’est l'une des contrées sauvages les plus anciennes et les plus vastes du monde. Territoire des Aborigènes, des éleveurs de bétail et des chercheurs d’or, le Kimberley accueille les rêves de tout aventurier. Dans ces décors de savane où l’on ne rencontre nul autre arbre que des baobabs, le voyage prend vite des allures d’épopée hors du temps. Escale entre les plages et décors de brousse de Dampier Peninsula, découverte des mangroves de Roebuck Bay, exploration du parc national de Purnululu et ses fascinants dômes Bungle Bungles en forme de ruche… Les paysages envoûtent et imposent un sentiment d’humilité face à l’histoire millénaire des lieux. Ce territoire est celui des Yawuru, des Karajarri, des Nyul Nyul et autres peuples aborigènes. Et un voyage ici ne saurait être complet sans une immersion dans leur culture. Expérience Wakaj (danse traditionnelle), dégustation de bushfood, visite des grottes de Mimbi (haut lieu de spiritualité pour le peuple Gooniyandi)… Autant d’expériences à vivre pour s’immerger dans la culture aborigène dans le Kimberley ! Et ouvrez l’œil : le Kimberley abrite des peintures rupestres parmi les plus spectaculaires d'Australie. L’art rupestre de la région serait le plus ancien du monde !
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Les aborigènes du Cap York
Côté Queensland, une virée dans la péninsule du Cap York ne saurait être complète sans une visite des parcs nationaux de Lakefield et de Black Mountain. Couverte de forêts vierges sauvages, cette région renferme des sites aborigènes historiques, dont le fameux Split Rock, près de Laura. Cette petite localité perdue dans l’Outback organise tous les deux ans un festival de danses aborigènes. Une aventure incontournable pour qui s’intéresse aux modes de vie et au patrimoine de ces peuples indigènes.
La légende d'Uluru
Inutile de le présenter : Uluru, appelé aussi Ayers Rock, est certainement le rocher le plus connu au monde. En plein cœur du Centre Rouge, ce monolithe vieux de 500 millions d’années est un lieu hautement sacré. Du haut de ces 348 mètres, ce colosse rouge est vénéré depuis des millions d’années par les Aborigènes Anangu. On raconte qu’Uluru serait une montagne vivante et pourrait se venger si elle était profanée. Aussi, après plusieurs décennies de controverse, l'Ayers Rock est désormais interdit aux grimpeurs. Les sages affirment que la montagne ne supportait plus qu’on l’escalade et réclamait le silence… À 30 km de là, l’exploration se poursuit sur le site aborigène de Kata Tjuta (d’où le nom du parc national, Uluru Kata Tjuta). Également connu sous le nom de Monts Olga, cet ensemble de 36 dômes géants répartis sur plus de 20 km est encore plus vaste que son voisin Uluru. Chargé de légendes et empreint d’histoires ancestrales, le lieu est soumis à des restrictions d’accès, mais mérite définitivement le coup d’œil. À ne pas manquer également : le musée Wintjiri et son exposition sur la culture, la géologie, la flore et la faune de la région.
Cécile Rosenstrauch
Par
MARINE DADOUN
Photographie de couverture : Charlotte Lapalus