Idées voyage

Stockholm vs Copenhague : le match en 10 rounds

Stockholm vs Copenhague : le match en 10 rounds

Il flotte ici comme un air de sérénité, d’avant-garde sociétale, de belle vie, de liberté. Vues de France, les deux capitales scandinaves (522 kilomètres les séparent) pourraient presque être confondues tant elles affichent une même réputation d’être en avance sur tout : l’architecture, le design, l’écologie, la démocratie, l’enseignement, la santé, la bicyclette, la pratique des langues, le respect des vieilles pierres de leur centre historique, etc. Vrai globalement. Mais beaucoup plus subtil en observant la singularité de chacune, sa créativité, sa personnalité forgée au fil d’une histoire bien plus riche qu’on l’imagine, dotée surtout d’une conscience collective tenue avec cœur et fermeté par deux familles royales exemplaires. Stockholm ou Copenhague ? Petite Sirène ou magie Abba ? Le match en dix rounds.

 

Chacune son style, chacune son mot. L’une, Copenhague (Danemark) connait la gloire avec le Hygge, prononcer "hoo-ga", l’art du bonheur associant aisance matérielle avec emploi du temps à la cool, pauses vertes et convivialité de tous les instants. Les sociologues, psychologues et autres démagogues du monde entier se sont vite faits les chantres de ce joli mantra danois. L’autre, Stockholm (Suède) pavane actuellement avec flygskam, « la honte de prendre l’avion ». L’égérie de cette imprécation écolo, une ado à nattes blondes, haute comme trois pommes certifiées bios, milite pour un monde neuf, slow et fleuri, sans CO² ni vacances aux Maldives. Ex ou néo-babas, hipsters et autres collapsologues californiens, applaudissent. Ces mots racontent évidemment bien plus, ils tracent le sillon de vraies problématiques, sociétale pour l’une, environnementale l’autre. Voilà tout le génie de ces capitales postées au sommet de notre modèle occidental, devenues sentinelles, vigies, guides pour un monde meilleur, alertes face à de futurs désenchantements. Alors, oui, vite on file sur place défricher ces nouveaux horizons !

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On y va !

Copenhague est à 1 230 kilomètres de Paris. C’est simple, notre autoroute A1 y conduit tout droit via la Belgique puis les Pays-Bas et une succession de ponts en une quinzaine d’heures, pause et péages compris. Stockholm pointe à 1 900 kilomètres, compter une bonne vingtaine d’heures, en suivant la même autoroute puis en traversant le Danemark avant de rejoindre la Suède via le superbe pont jeté sur l’Oresund. Bonne nouvelle, il n’y a aucun décalage horaire avec la France et, Espace Schengen oblige, la seule carte d’identité est exigible mais rarement demandée, pour entrer dans l’un et l’autre pays.

Les liaisons sont également possibles par le train, plusieurs fois par jour. Pour Copenhague, prévoir une petite journée de voyage depuis Paris, au moins deux changements et autour de 250 euros en seconde classe, le double en première. Pour Stockholm, mêmes contraintes mais plus d’une journée à bord et minimum 300 euros en classe touriste.

L’avion enfin, met Copenhague à 2 heures de Paris, Stockholm à 2h30. Les deux compagnies nationales, Air France et SAS, assurent des vols directs plusieurs fois par jour. Les low-costs proposent également la liaison sans escale y compris depuis Nice ou Lyon. Entre 150 et 400 euros selon les formules.

L’aéroport international de Copenhague, le plus important de Scandinavie, est à une dizaine de kilomètres au sud de la ville. Compter 20 minutes en taxi et une trentaine d’euros. Le métro fait également l’affaire pour 4 euros.
Celui de Stockholm-Arlanda est à 42 kilomètres du centre. La course en taxi prend 45 minutes et coûte 75 euros, tarif fixe, pourboire non compris.

Verdict : avantage Copenhague

Street Art à Copenhague

Copenhague - Olivier Romano

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Premier regard

Copenhague (1,4 million d’habitants) et Stockholm (1,6 million) partagent l’agrément d’être des capitales maritimes. Bruits de la ville et brise fraîche de la Baltique, animation portuaire et recoins intimistes pour raconter ses voyages, tavernes sombres pour géants tatoués et ciel clair déchiré par les goélands, horizon de vagues dont le gris acier se confond avec le ciel… Des capitales ? Au regard de Paris, Londres ou Berlin, elles ressemblent plus à d’aimables escales sur lesquelles soufflerait comme un air de vacances. L’impression est renforcée par la faible circulation automobile ainsi que par le nombre impressionnant d’habitants qui circulent à bicyclette, électrique ou pas, personnelle ou en libre-service, voire sur une trottinette de location. Chapeaux les citoyens ! Autre admiration, la propreté des deux villes. Personne en effet n’oserait laisser au hasard des trottoir ses détritus, mégots et autres emballages, sauf à subir une réprobation immédiate et unanime de ses voisins. Voire une amende. Enfin, ces belles harmonies sont installées dans le décor superbe de centre-ville qui associent l’un et l’autre façades historiques et terrasses au bord de l’eau, parcs pour amoureux et ruelles pavées d’un autre temps. Gros bémol toutefois, ces observations ne valent que pour le centre. Dès qu’on s’en éloigne, place à la pauvre académie des quartiers d’habitation, à des banlieues sans animation et à la tristesse de rues que vide la nuit vite tombée entre septembre et avril.

Verdict : égalité

façades de Stockholm

Stockholm - Laiotz / Fotolia.com

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Dans de beaux draps

Evidemment, Copenhague comme Stockholm disposent de toutes les adresses hôtelières souhaitées, de la chaîne cinq fois étoilée au bed & breakfast de toute simplicité. Oui mais. La différence se joue bien entendu à la marge sur les établissements d’exception. A Stockholm la palme des hébergements installés dans les palais d’antan au cœur de la vieille-ville, voire de l’insolite quand on veut dormir dans un Boeing 747, une prison ou dans la maison qui appartient à l’un des membres du groupe Abba. En revanche, côté design et boutique-hôtels intimistes à la déco décoiffante, Copenhague reprend la main. Entre deux, nombreux logements très académiques à la propreté irréprochable, au service minimaliste. Dans tous les cas, tarifs élevés.

Verdict : avantage Copenhague

 

Design scandinave

Copenhague - Olivier Romano

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Qu’est-ce qu’on mange ?

Surprise : plusieurs années d’affilée, le Noma de Copenhague a été élu « meilleur restaurant du monde ». De quoi faire avaler son macaron de travers à un testeur du guide Michelin. Il est vrai que le verdict venait des Anglais, éminents docteurs ès-gastronomie comme on sait… Mais c’est un signe. Les tables danoises ont du style et de la qualité. La spécialité locale est une forme de tapas, pain (bio évidemment) beurré avec tranche de hareng fumé, la spécialité locale, avec du saumon, de la viande de renne séchée, d’œufs ou de tout autre bonheur végan. En sifflant une bière, c’est le seul repas abordable du pays, même avec un mini verre d’aquavit pour conclure. Toutes les autres formules alimentaires exigent un budget confortable. Un restaurant 3-étoiles, plusieurs 2-étoiles et une pléiade de simples étoilés attestent de la qualité des chefs danois.

Une longue tradition suédoise de méfiance face à la consommation (délirante chaque week-end) d’alcool a généré une solide austérité du verre et de l’assiette. Bière et aquavit restent les breuvages nationaux. Malgré une taxation élevée, malgré aussi la pression des ligues de santé qui prônent le vie végan à l’eau claire. Au rayon des spécialités, viser le saumon, les crevettes, les harengs et les anchois sans oublier une collection complète des fameux pains suédois. Un 3-étoiles, deux 2-étoiles et six autres étoilés permettent d’allier séjour avec haute gastronomie à tarifs très élevés. Entre deux, nombreuses adresses simples pour grignoter sur le pouce.

Verdict : avantage Copenhague

restaurant de Copenhague

Copenhague - Olivier Romano

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Mobilités urbaines

A Copenhague, les trois lignes du métro automatique font merveille. C’est simple, elles fonctionnent jour et nuit et desservent 37 stations, de quoi trouver arrêt pour chacune de ses visites, en particulier au centre. En outre, trains comme stations sont tout neufs ! Autobus classiques et Harbour Bus, de charmantes navettes aquatiques, complètent le système. Un de leurs arrêts se situe devant la Petite Sirène… Surtout, la population locale a depuis longtemps opté pour la bicyclette.  Alors, on fait comme eux et on adopte Bycyclen, le réseau de vélos en libre-service.

Stockholm compte 100 stations de métro. Mais plus encore : 90 d’entre elles ont été confiées à un artiste et servent à l’occasion de galerie d’exposition ou accueillent des événements culturels. Clairement, le passager en prend plein la vue… Ici, aucune morosité du transport en commun ! Les bus et les ferries ajoutent à la facilité des déplacements. Du côté vélo de location, la ville et son opérateur ont récemment cafouillé, au point d’arrêter le système. Il reviendra début 2020 avec 7 500 vélos électriques et 500 cargos. En attendant les trottinettes prennent le relais. Noter enfin une spécificité locale, des rickshaws version suédoise, sorte de Vespa électrique totalement fermée comme une bombonne, qui fonctionnent à la manière des taxis.  

Verdict : avantage Stockholm

Métro de Stockholm

Stockholm - Goofy79/Getty Images/iStockphoto

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L’addition, s’il vous plait !

Suède et Danemark sont membres de l’Union européenne. Les deux royaumes font partie de l’Espace Schengen. Mais aucun ne paye en euros. A Copenhague, la couronne danoise vaut 0,13 euro (soit 7,50 DKK pour un euro) tandis qu’à Stockholm, il faut compter avec la couronne suédoise, qui s’arrondit à 10 centimes d’euro, soit 10 SEK pour un euro. Etonnant, les deux pays ont pratiquement supprimé la circulation d’argent et tous les règlements, même les plus petits, se font avec une carte de crédit. Enfin, savoir que les prix sont plus élevés qu’en France, en particulier les hôtels, restaurants, alcools, cigarettes, fruits et légumes…

Verdict : égalité

café de Stockholm

Stockholm - Christian Kerber/LAIF-REA

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Top, les visites !

Aucun souci pour alimenter sans le moindre temps mort trois ou quatre journées dans l’une et l’autre capitale. A Copenhague, direction le centre de la ville que domine le château de Christianborg voisin du musée national. Deux merveilles, tout comme le palais royal (ah, la relève de la garde à 11h30 !) et l’exceptionnel musée d’art moderne de Louisiana, en périphérie de la ville. Ajouter le charme des ruelles piétonnes et des terrasses du Quartier Latin (en français sur le plan !), la promenade sur les quais et retrouver son âme d’enfant au Jardin Tivoli, le plus ancien parc d’attractions de la planète. Il garde des manèges rétro, ajoute grand roue, tobogans et stands de tir entre lacs et placettes animées, dans une ambiance dimanche en famille du plus bel effet. Enfin, ne manquer ni le selfie devant la Petite Sirène (1913) ni la traversée de Cristiana, la commune libre de Copenhague qui, depuis une cinquantaine d’année, tente d’alimenter son utopie anarcho-écolo-baba.

A Stockholm aussi, Gamla Stan, le centre, dicte obligatoirement la visite. Palais royal (construit à partir du XIIème siècle, 600 pièces et relève de la garde un peu après midi), Opéra (magnifique programmation sous la houlette de Nicolas Le Riche), le musée national, celui d’art moderne… Sauter dans un ferry pour comprendre que la ville est formée par quatorze îles principales, chacune sa vie et ses délices, un parc, un restaurant, un musée, une église, etc. Ajouter une virée sur l’île Sodermalm (reliée au centre par un pont) pour savourer terrasses et boutiques branchées, ainsi que dans l’immense parc de Djugarden à moins de préférer celui de Carl Milles, un sculpteur dont les œuvres sont installées dans son jardin ce qui leur offre une vue grandiose sur la ville. Enfin, avec les premiers beaux jours, savourer les terrasses en bordure de quais. Il fait à peine 10°C mais jupettes et tee-shirts sont déjà de sortie.

Verdict : égalité

 

Petite Sirène Copenhague

Copenhague - Lennard Nielsen/VisitDenmark

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Du côté des insolites

Passées les visites classiques, Copenhague autant que Stockholm réservent leur lot de (bonnes) surprises. La Danoise invite à lever les yeux pour admirer quelques architectures audacieuses, la bibliothèque royale, toute de marbre noir, l’opéra ou l’aquarium, par exemple, des merveilles, mais aussi des dizaines d’immeubles futuristes (le style cube est tendance), devant lesquels on se demande comment on vit à l’intérieur. Ne pas hésiter à s’installer sur les tables du marché couvert de Torvehallerne. Cette halle immense abrite entre autres des cuisines aux inspirations venues du monde entier. On choisit son entrée ici, son plat là-bas et on s’installe au centre sur des tables partagées. Convivialité assurée. Enfin, promenade le long des quais du quartier de Christianshavn baptisé « Petite Amsterdam », percé de dizaines de canaux silencieux auxquels sont amarrés des petits bateaux devant la maison de bois croquignolette du propriétaire. Un délice d’ailleurs.

A Stockholm, plusieurs sites réservent leur pesant d’étonnements. Le musée Vasa, d’abord. Il abrite un énorme bateau de guerre construit sur ordre du roi en 1625. Il a passé plus de temps au fond que sous les brises marines. Mis à l’eau en 1628, il coula immédiatement après son lancement à 1 500 mètres des pontons. Sans doute à cause de ses 64 canons. Depuis 1990, un bâtiment abrite le bateau, superbe, après plus de dix années de méticuleuse restauration. Autre genre, l’espace dédié aux gloires de la Suède, le groupe Abba. Sur l’île de Djurgarden, hommage lui est rendu. Exposition, des costumes de scène, souvenirs personnels, hologrammes des quatre membres avec lesquels on peut chanter, un véritable hymne pop.  

Verdict : avantage Stockholm

Vasa museum Stockholm

Stockholm - Juliette Robert/HAYTHAM-REA

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Rayon shopping

A Copenhague, outre les jouets en Lego nés ici (boutique dédiée sur Stroget), le design a également la cote. Vérification faite chez Hay ou bien Illums Bolighus. Mais tarifs parfois déroutants.

A Stockholm, cap sur Norrmalm et Ôstermalm les deux quartiers qui rassemblent la plupart des boutiques dédiées au design suédois, vrai concurrent du danois. En prime, cadre délicieux de quais animés, voiliers amarrés, terrasses enjouées. Dans des boutiques miniatures, tout se trouve, du tabouret au luminaire en passant par les bols, couteaux, vases et autres objets de décoration. Hélas, cher, voire très cher.

Dans les deux villes, peu d’artisanat traditionnel, bois ou porcelaine, et des boutiques de vêtements totalement mondialisées.

Verdict : avantage Stockholm

rues commerçantes de Stockholm

Stockholm - Simon Paulin//imagebank.sweden.se

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Envisageons les environs

Un port exige forcément qu’on mette le nez dehors, côté large, bien entendu. A Copenhague, difficile de résister à l’attrait du pont qui enjambe l’Oresund, le bras de mer séparant le Danemark de la Suède. Long de 7 845 mètres, il relie Copenhague à Malmö avec un niveau pour le train, un autre autoroutier. Traverser coûte une quarantaine d’euros, pas cadeau, mais c’est la promesse d’un étonnant voyage entre mer et ciel avec passage sur une île artificielle et même un tunnel sous-marin. Admiration garantie devant un ouvrage d’art monumental inauguré par les souverains des deux pays le 1er juillet 2000.

La municipalité de Stockholm intègre des dizaines d’îles. Parmi elles, une merveille d’esthétique, de charme et de calme, Vaxholm. Un ferry y conduit depuis le centre de la ville. Compter une heure de navigation (10 euros) à se faufiler entre les villages flottants et les bouts de forêt posé sur la Baltique, un délice, avant de toucher les quais du petit port. Promenade en ville, déjeuner en terrasse, tour de l’île (chemin bien balisé, 4 heures de marche)… Admirer les petites maisons de bois, la vie simple d’une île pourtant si proche mais déjà tellement la tête ailleurs…

Verdict : avantage Stockholm

Vaxholm

Vaxholm (région de Stockholm) - Nikolay Tsuguliev/Getty Images

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL

 

Photographies de couverture

JEROME GALLAND & OLIVIER ROMANO