Arpenter Kyoto, ville de jardins et de lanternes en papier mais aussi de concept-stores et de restaurants branchés, c’est faire le grand écart entre le XVIIIe et le XXIe siècle. L’ancienne cité impériale, baignée de langueur et peuplée de geishas évanescentes, reste la capitale de tous les fantasmes pour un voyage au Japon.
Une geisha qui traverse la rue dans un tourbillon de soie, un building de verre et d’acier où s’engouffre une armée de “men in black” : Kyoto incarne le passé et l’avenir à la fois. Capitale impériale du Japon pendant plus d’un millénaire, relativement épargnée des séismes et des guerres, cette ville est une résistante. On compte dans ce berceau de l’âme japonaise une quinzaine de bâtiments appartenant au patrimoine de l’humanité, mais aussi les sièges de célèbres multinationales. Marquée à jamais par l’audace de son “Protocole”, Kyoto ne s’est pas enlisée dans la gangue muséifiée d’un Japon révolu, elle a su s’inscrire dans le paysage du Japon contemporain tout en conservant son caractère contemplatif, intime et délicat. Chaque année des millions de Japonais viennent s’abreuver à la source de leur culture.
©Zoe Fidji
Lorsqu’on débarque du Shinkansen dans cette gare digne d’un film de science-fiction, on se demande si l’on ne s’est pas trompé d’arrêt. Quelques stations de bus plus loin, la machine à remonter le temps a fonctionné : l’ancienne capitale a su garder sa douceur enveloppante. Bercée de rites saisonniers, émaillée de jardins, ceinturée de monts boisés de pins rouges et de bambous, elle égrène les mois au plus proche de la nature. Kyoto, c’est un peu Venise. La même langueur, la même présence de l’eau. En toutes saisons, on se promène au bord de la rivière Kamo (“Kamogawa”), qui coule du nord au sud et traverse l’est de la ville. Kamo veut dire “canard” et dieu s’il y en a, des volatiles. Pour leur jeter du pain, on s’installe aux terrasses le long de Shijo-dori. Le soir, c’est à Gion que l’on assouvit ses fantasmes en regardant s’allumer une à une ces grosses lanternes de papier qui n’éclairent qu’elles-mêmes en attendant de voir passer les geikos (ainsi appelle-t-on les geishas à Kyoto, tandis les apprenties sont des “maikos”), dans un clair-obscur digne de Tanizaki et son “Éloge de l’ombre”.
©Lola Reboud
À Kyoto, il faut trouver le code d’entrée, ne pas chercher à tout voir. S’il fallait nommer cinq bonnes raisons de découvrir la ville, ce serait bien embarrassant : il y en a près de deux mille ! (1 600 temples bouddhiques, 250 sanctuaires shintô et presque une centaine de jardins). En voir une dizaine serait déjà une belle ambition. La bonne tactique : ne pas zapper les monuments majeurs, comme le Temple d’Or, mais s’offrir des petites escapades dans des lieux ignorés des touristes, en se fiant à son instinct (et au concierge Voyageurs !). On peut être plus bouleversé par un alignement de bouddhas o-jizo plantés tout de guingois dans le cimetière d’un temple modeste que par le célèbre jardin zen du temple Ryoanji, souvent réduit à admirer les quinze cailloux solitaires au milieu d’une une horde de Chinois braillards… On peut préférer flâner dans Nijo-dori, une rue tranquille de maisons privées et les petites entreprises, plutôt qu’à Pontocho-dori, peuplée de bars et de restaurants mais un peu trop carte postale…
©Eric Lafforgue
Un secret : se lever tôt ! Rien de plus délicieux que de passer seul à l’aube sous les magiques portiques orange du temple Fushimi Inari, ou de flâner sur le Chemin des philosophes avec quelques chats pour seuls compagnons. Un impératif : rencontrer les Kyotoïtes. Ils n’aiment pas être bousculés et ont du temps une notion différente de la nôtre. Ils ont la réputation d’être très snob, mais se sont battus pour protéger les quartiers historiques et limiter la hauteur des constructions. Ils continuent de faire “Uchimizu” : asperger les pavés des rues pour qu’ils brillent. Un signe de courtoisie envers les passants.
©Markus Kirchgessner/LAIF-REA
Ils sont surtout très gourmands ! Kyoto est célèbre pour sa spécialité de tofu, pour sa sublime cuisine kaiseki et pour sa tradition bouddhiste végétarienne. Avant de s’offrir une initiation au thé à la maison Fukujuen, spécialiste du Kukicha (thé vert en brindilles rôti), on fait un détour par le marché de Nishiki, surnommé “la cuisine de Kyoto”. De tous les marchés du monde, celui-ci a une saveur toute particulière. L’air sent la fumée, le roussi et le caramel, la lumière est mordorée, anguilles, poulpes et alevins frétillent, bains de vapeur et fritures fument… Du grand spectacle, à grappiller au fil des étals pour goûter toutes les saveurs sucrées et vinaigrées de la gastronomie japonaise. De la même manière que Kyoto se grappille… Spirituelle, gourmande, soyeuse et joyeuse, elle mérite un voyage à elle toute seule.
LE + VOYAGEURS
Ateliers et initiations
Si la visite de Kyoto se suffit à elle-même, participer à un atelier permet d’aborder pleinement l’art de vivre qui y règne. Que ce soit à travers une dégustation de sakés chez l’habitante, une initiation à la calligraphie, à l’art de l’origami (à partager avec ses enfants) ou au port du kimono : voici une belle façon de se sentir japonais l’espace d’un moment ! Parlez-en à votre conseiller.
©Eric Flogny/Aleph
UN PEU PLUS LOIN
Les biches de Nara
Une atmosphère bucolique, les plus vieux édifices du pays et 1 200 daims en liberté : il faudrait être fou pour ne pas faire un saut à Nara, berceau de la civilisation japonaise. 40 minutes de train au départ de Kyoto et vous voici dans la première capitale du royaume. C’est ici, au bout de la Route de la soie, que le bouddhisme s’est enraciné, comme en témoigne le grand Bouddha, plus colossale statue de bronze du monde. Une journée permet de feuilleter ce stupéfiant livre d’histoire, d’arpenter les rues bordées d’ancestrales maisons de bois dont on se demande comment elles tiennent encore debout et surtout d’explorer le célèbre parc de Nara, 600 hectares de nature foisonnante émaillée de pagodes et de monastères, peuplée de craquantes biches avec leurs faons.
©Zoe Fidji
DES IDÉES POUR PARTIR
Tokyo & Kyoto, d’une capitale à l’autre
Elles sont les poumons du Japon. Tokyo et Kyoto, deux villes fortes qui respirent l’identité du pays. Excentricité futuriste et perpétuel mouvement pour l’une, art de vivre et histoire pour l’autre. Un voyage complet.
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CHOISIR SON LIT
Hyatt Regency Kyoto
La décoration imaginée par Takahi Sugimoto manie avec délicatesse l’inspiration zen pour les chambres et un grain de folie dans les parties communes. Service porté à son plus haut niveau d’excellence.
©Hyatt Regency Kyoto
The Ritz Carlton
Ouvert récemment sur les rives de la Kamogawa, cet élégant navire battant pavillon du luxe, se distingue entre autres par l’élégance de son Spa et son partenariat gourmand avec la maison Pierre Hermé.
©The Ritz-Carlton
Photographie de couverture
JEROME GALLAND