Les Crétois ont su garder leur pays intact et savent en partager les trésors plus confidentiels. Avis à ceux qui souhaitent aller au-delà du palais de Knossos, des plages et du fameux régime...
A en croire Strabon et le bon sens géographique, Héraklion fut à Cnossos ce que le Pirée fut à Athènes : un port (à l'époque de notre géographe, le premier siècle avant J.-C., la cité palatiale crétoise était devenue la colonie romaine Julia Nobilis et une ville nouvelle, dans le style international d'alors, s'édifiait à côté de vieux édifices minoens complètement out). En fait, les choses n'ont pas changé et l'on entre toujours en Crète et au palais de Minos par Héraklion.
La réputation de médiocrité artistique et d'affairement ancillaire de celle-ci en fait, au passage, un site alternatif judicieux. Car, tout de même, des tavernes encore vraiment populaires au musée archéologique (déesse aux serpents, énigmatique disque de Phaistos, etc.), dont le bâtiment signé Patroklos Karantinos a été distingué par la Staatliches Bauhaus, de l'église byzantine Agia Aikaterini aux imposantes fortifications vénitiennes, il y a du bel et bon. La course, pour décharger les apports caloriques, à la meilleure bougatsa, feuilleté sucré ou salé, réserve de succulentes surprises.
Une ville donc que ne snobent pas les voyageurs avertis. Et puis, quand même, le palais de Cnossos ne se trouve qu'à cinq kilomètres au sud. Une fois admirées les fresques aux griffons, salle du trône, et aux dauphins, appartement de la reine, il faut choisir. Pour simplifier : vers l'est, électro et soirées mousse à Chersonissos; vers le sud-ouest, Zaros, par exemple, sur le piémont du mont Ida.
Chemins de rando et de croix
Nous allons au sud-ouest. Le bourg et son lac bleu-vert font un délicieux carré d'arrière-pays. Aux abords immédiats, on peut visiter deux moulins à eau toujours en activité. Un peu plus loin, une exceptionnelle forêt de houx, Rouvas. La nature rêche de Crète centrale appelle les chaussures et le vélo tout- terrain : des hauts et des bas où la flore méditerranéenne concentre des odeurs capiteuses. Phaistos est le site archéologique principal de la plaine de la Messara (oliveraies, vignes, fleurs); le monastère italianisant Valsamonero est abandonné, mais abrite encore des polychromies de la fin du Moyen Âge; à l'entrée du monastère de Vrontisi sur l'Ida, XIVe siècle, l'eau délicieuse de la fontaine vénitienne rend du punch aux randonneurs.
En ces parages montagneux, les hôtels sont aménagés dans d'anciennes fermes, dans des maisons de villages, des hameaux... Ils font de ces éléments vernaculaires des refuges ombreux et frais où le rustique se donne des allures de modernité ingénue, que soulignent des notes d'élégance bourgeoise.
Le fameux régime crétois y gagne une pertinence qui n'est plus seulement diététique mais, n'ayons pas peur des mots, gastronomique. Ce qui s'entend sui generis et nature. Le monastère d'Arkadi a une histoire qui remonte au moins au XIVe siècle, laquelle culmine en 1866, avec l'assaut dramatique donné par l'armée turque au millier de patriotes insurgés rassemblés là.
L'enceinte religieuse y a gagné un statut de sanctuaire national. À aller ainsi de l'un à l'autre de ces couvents agrestes, on réalise l'importance qu'ils ont eue pour la culture crétoise, par la continuité, la vie spirituelle et intellectuelle.
Francesco Lastrucci/Gallery Stock
La Canée : monuments et Mouskouri
Dans ces campagnes de petits ânes, de yaourt au miel et d'odeur de thym, on croise des messieurs à barbe blanche portant le sariki, le foulard à pendeloques (qui rappellent les larmes versées sur les morts d'Arkadi), ce qui ne les empêche pas de textoter. En regagnant la côte, pour y trouver la transparence d'une mer qui a cependant toujours été dans l'air, on rencontre Réthymnon, un peu province, mais dotée d'un joli port vénitien et d'une faculté de philosophie où l'étude des Ennéades doit être plus ensoleillée qu'à la Sorbonne.
La Canée est alors toute proche. C'est l'une des plus coquettes villes de Crète. Elle s'enorgueillit d'avoir donné naissance à certains monuments historiques de valeur, comme le port, XIVe siècle; la mosquée des Janissaires, XVIIe siècle; Nana Mouskouri, 1934. On découvre là un beau panorama historique, mais aussi des lieux festifs en ribambelle, où la Méditerranée prend du bon temps, mange du poulpe et du poisson grillé.
Dmitry Naumov/stock.adobe.com
In the mood
La Crète, c'est d'abord La Canée. Sa douceur de vivre est palpable en déambulant dans les ruelles de la vieille ville et dans son port vénitien. La mosquée des Janissaires (1645) et la cathédrale orthodoxe (1860) sont des immanquables.
Après ces visites culturelles, il sera temps de se rafraîchir d'un vin léger et local, celui du monastère d'Agia Triada. L'œnotourisme se développe doucement et certains vignerons organisent des dégustations.
Une activité qui vous conduira à laisser la voiture de côté...
Ça tombe bien, l'option balade à dos d'âne est disponible (sans air climatisé). Mais si votre penchant antispéciste vous taraude, libre à vous de randonner en direction de la Grotte de Zeus, ancien lieu de culte situé sur les pentes du mont Ida. Une façon érudite de trouver l'ombre. Pour cela, la cité maritime d'Ágios Nikólaos, adossée aux collines, parmi les amandiers, les figuiers et les oliviers est tout aussi indiquée...
Le goût du voyage
Les gorges de Samaria. Amateurs de randos, ces paysages escarpés sont faits pour vous. Une journée sportive à vivre en privé, avec un guide qui vous éclaire sur la biodiversité. Envie de prolonger l'effort ? Tentez la vallée de la Sougia et les gorges d'Agia Irini, plus confidentielles.
L'île des oubliés. Spinalonga, désertée en 1960, est un must. Le pont, les moulins à vent, les salines, les chapelles et la forteresse vénitienne reconvertie en léproserie au début du XXe siècle composent l'ambiance de cette escapade, véritable parenthèse dans le temps.
Cours de poterie avec ses enfants. Dans un pays où la céramique est élevée au rang d'art, rien n'empêche de s'initier à la poterie en toute humilité. Dans le village de Margarites, réputé pour ses potiers, votre hôte assisté d'un traducteur) vous apprendra les bons gestes, les matériaux, les outils...
Knossos en privé. L'ancienne capitale abrite le palais du roi Minos et le célèbre labyrinthe du Minotaure. Mieux vaut éviter de s'y perdre, un guide francophone vous ouvre donc la voie. Autre "must see" : le musée archéologique d'Héraklion et son exceptionnelle collection d'objets minoens.
Photographie de couverture : Delphine Poggianti/stock.adobe.com