Créée en 2018 sous l’impulsion d’une jeune start-up franco-égyptienne, cette initiative environnementale met la puissance des réseaux sociaux au service d’une cause ambitieuse : délester chaque année le Nil d’une centaine de tonnes de plastique.
Ce matin encore, la pêche a été bonne pour Saïd. En une journée, lui et quarante-cinq autres pêcheurs de l’île de Qorsaya, au centre du Caire, ont extrait du Nil une centaine de kilos de déchets plastiques. Au total, depuis la création de Very Nile en 2018, cet escadron de pêcheurs cairotes a récolté un peu plus de 100 tonnes de bouteilles et autres déchets d’origine plastique, dont 70 % ont pu être recyclés. Ce qui peut sembler être une goutte d’eau face aux dix millions de tonnes déversées chaque année dans les mers du globe prend en réalité le problème à la source, sachant que le Nil compte parmi les dix fleuves de la planète responsables de 90 % de la pollution des océans.
L’initiative, lancée par la start-up franco-égyptienne Bassita (“simple” en arabe), entend d’ailleurs faire bouger les lignes bien au-delà des rives du Caire. Basée sur le “click-funding”, Bassita surfe sur la vague internet qui déferle en Égypte depuis la révolution de 2011, comme l’explique son cofondateur Alban de Ménonville : “Chaque clic de soutien au projet présenté via les réseaux sociaux permet d’atteindre un objectif de visibilité prédéfini à partir duquel des investisseurs financent nos initiatives.”
C’est ainsi que Very Nile a pu équiper d’un compacteur son hub de Qorsaya et, depuis peu, d’un bateau fabriqué en association avec l’ONG allemande One Earth One Ocean qui permet de récolter et trier 10 tonnes de déchets par mois. « Et le rythme s’accélère, l’objectif est d’atteindre 70 tonnes par mois à la fin de l’an prochain. » annonce Alban de Ménonville. Au-delà de son action positive sur l’écosystème local, Very Nile impressionne par sa capacité à faire des ricochets. D’abord en employant les pêcheurs locaux, qui connaissent parfaitement les courants et lieux où s’accumulent les déchets, l’organisation permet d’aider des dizaines de familles, en employant également sur l’atelier de recyclage des femmes de l’île. À partir des fibres textiles obtenues, elles créent une collection d’accessoires (sacs, chapeaux, pochettes…) destinée à être vendue. Les pêcheurs sont quant à eux rétribués à chaque “prise”.
Un complément de revenus conséquent qui ajoute à l’effet direct de leur action de nettoyage : depuis le début des opérations, la vie aquatique reprend ses droits, moins de plastique et plus de poissons dans les filets. Ces résultats probants viennent appuyer le second cheval de bataille de Very Nile : l’éducation. Un combat en amont, fondé sur des campagnes de sensibilisation à travers les réseaux sociaux visant à bannir l’utilisation de sacs plastiques, mais aussi grâce à de grandes opérations de collecte impliquant la population cairote. Bien décidé à dépasser les frontières, Very Nile suit le cours du fleuve roi, qui irrigue onze pays et dont dépendent les 257 millions de personnes qui peuplent son bassin. Aujourd’hui, l’initiative environnementale est à l’origine d’une coalition réunissant aux cotés de l’Egypte, certains États – pour l’heure, le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi – dans lesquels sont menées des opérations similaires de protection du fleuve et de reforestation. Une goutte de Nil purifiée dont les ondes positives s’étendent petit à petit à l’échelle de la planète.
Voyageurs du Monde, à la barre du Steam Ship Sudan et de la Flâneuse du Nil, deux embarcations naviguant sur le fleuve, soutient Very Nile.
Par
BAPTISTE BRIAND
Photographies
NOHA HISHAM