Le Grand Musée Égyptien a ouvert ses portes en octobre 2024. Un évènement attendu, qui marque un tournant dans l’exposition du patrimoine culturel égyptien et fait entrer l’égyptologie dans la modernité.
Initialement prévue pour 2021, l’ouverture du Grand Musée Égyptien (GEM) a été maintes fois repoussée, et les pouvoirs publics égyptiens ont finalement opté pour une ouverture par étapes progressives. Le 16 octobre 2024 marque une étape cruciale, qui permet aux visiteurs d’accéder à 80 % des collections. Édifié face aux pyramides de Gizeh, le plus grand musée archéologique du monde dédié à une seule civilisation rivalise avec le Louvre, le British Museum ou le Metropolitan de New York. Le musée abrite une collection hors du commun, qui rassemble des objets précieux provenant de toutes les périodes de l'histoire égyptienne. Ses galeries sont organisées selon trois thèmes principaux – la société, le pouvoir et les croyances – dans un parcours qui permet aussi une découverte chronologique des différentes périodes de l'histoire égyptienne, de l'Ancien Empire à l'ère gréco-romaine.
Le Grand Musée Égyptien, un chantier pharaonique
Le chantier du Grand Musée Égyptien s’inscrit dans une histoire ambitieuse qui débute à la fin des années 1990. Le musée historique de la place Tahrir, édifié en 1902, institution qui porte l’empreinte de l’École française et d’Auguste Mariette, est devenu trop exigu et vétuste pour accueillir et conserver les merveilles de l’Égypte antique.
Le gouvernement égyptien lance un appel d’offres international pour la conception d’un musée digne de l'héritage millénaire du pays. Le projet du studio irlandais Heneghan Peng Architects est retenu parmi plus de 1500 propositions, avec la participation de certains des plus grands cabinets d’architectes au monde. Les travaux de construction commencent en 2006. La première étape est consacrée au déblaiement du site, à proximité des pyramides de Gizeh.
Mais le projet subit rapidement des retards, causés par la crise économique de 2008. En 2011, la révolution égyptienne et l’instabilité politique qui s’ensuit mettent le projet en suspens pendant plusieurs années. Le chantier est relancé en 2014, mais à nouveau contrarié en 2020 par la pandémie de Covid-19, alors qu’il approche de son achèvement. Les travaux se clôturent finalement en 2023.
Le chantier du nouveau Grand Musée Égyptien aura nécessité deux décennies – autant de temps que celui de la pyramide de Khéops ! L'implication des équipes de restauration a été un élément clé de cette renaissance. Depuis 2015, des milliers d’artefacts ont été transférés depuis différents sites archéologiques et musées, parfois dans des conditions logistiques extrêmes. Le transfert de la statue monumentale de Ramsès II (mesurant 11 mètres et pesant plus de 80 tonnes), qui accueille désormais le visiteur dans l’atrium du Grand Musée, est emblématique des prouesses techniques accomplies au cours du chantier.
Gehad Hamdy/dpa via ZUMA Press
Un chef d’œuvre architectural
Le nouvel édifice est un chef d'œuvre architectural. Il mêle des éléments contemporains avec des références à l'architecture traditionnelle égyptienne, sur une superficie de 45 000 mètres carrés – soit deux fois la superficie du Louvre. Le motif des pyramides est omniprésent sur les façades de l’édifice, décliné en panneaux d’albâtre. Les matériaux locaux, et notamment le calcaire, ont été privilégiés pour répondre à l'esthétique des monuments antiques. Une série de jardins, plantés sur douze hectares, produisent un microclimat favorable.
À peine le seuil franchi, le visiteur est saisi par la majesté du colosse de Ramsès II qui trône au centre de l’atrium. À sa gauche, l’escalier monumental de 108 marches se déploie sur 6500 mètres carrés, jonché de statues de dieux et de pharaons – ces seuls artefacts pourraient constituer la collection d’un musée de premier ordre. L’escalier aboutit à une baie vitrée monumentale qui s’ouvre sur les jardins et le plateau de Gizeh, dans un panorama à couper le souffle sur les trois grandes pyramides, Khéops, Khephren et Mykérinos.
Gehad Hamdy/dpa via ZUMA Press
Une ambition internationale
Le Grand Musée Égyptien a également pour vocation de devenir un centre de recherche et de conservation d'envergure internationale. Ses 17 laboratoires ultramodernes, dotés d’équipements de pointe, sont dédiés à l'étude, la restauration et la préservation des artefacts historiques. En collaborant avec des institutions et musées du monde entier, le musée contribue à enrichir la compréhension globale de l'histoire égyptienne.
Le trésor de Toutankhamon
Chacune des douze galeries d’ores et déjà ouvertes présente plus de 15 000 artefacts. Leur muséographie a été brillamment orchestrée pour permettre deux parcours : un premier, chronologique, qui suit l’ordre des dynasties, et un second, thématique, qui organise la visite par thème (croyances, pouvoir, société). Libre à chacun des visiteurs de préférer l’approche chronologique ou thématique, voire de croiser les deux.
Parmi les pièces les plus attendues, la collection de Toutankhamon sera prochainement présentée au public. La découverte du trésor de Toutankhamon, en 1922, demeure l’une des plus importantes découvertes archéologiques de tous les temps. Après plusieurs années de recherches infructueuses, l’archéologue britannique Howard Carter et son mécène Lord Carnarvon mettent au jour dans la Vallée des Rois une tombe inviolée – évènement rare dans une région où de nombreuses sépultures ont été pillées. Lorsque l’équipe ouvre la sépulture, c’est la stupéfaction : les salles sont remplies d’objets somptueux, statues, chars funéraires, coffres, vases en albâtre... Mais le véritable chef d’œuvre est découvert dans la chambre funéraire : le sarcophage contenant la célèbre momie du jeune roi, inhumé dans des cercueils imbriqués, dont l’un est en or massif. Cette découverte a captivé l’imaginaire collectif et déclenché une vague d’Égyptomanie sur toute la planète.
Le trésor de Toutankhamon constitue aujourd’hui l’une des pièces maîtresses du Grand Musée Égyptien. Le déplacement de ce trésor vers la nouvelle institution donne lieu à un travail de restauration et d’analyse inédit – gageons qu’il dévoilera de nouveaux savoirs sur ces trésors antiques !
Gehad Hamdy/dpa via ZUMA Press
Par
MARION OSMONT
Photographie de couverture : Gehad Hamdy/dpa via ZUMA Press