Sur les plaines de Laikipia, Arijiju Retreat se fond avec discrétion dans le décor de la réserve de Borana. Ou comment sublimer l’art du vivre caché au Kenya.
Le chemin descend à travers les hautes herbes et les jeunes acacias, lorsque le regard est aimanté à l’horizon. Surplombant un patchwork de forêts et de plaines blondes, le double pic du mont Kenya se dresse, plâtré de neige fraîche. Magie africaine.
Au premier plan, à dix mètres à peine, apparaît alors une autre vision tapie dans la brousse. Un fort carré, enfoui dans le flanc de la colline à qui il doit son nom : Arijiju. La concrétisation d’un rêve d’enfance, celui d’un Anglo-Nigérien discret et investi dans les énergies renouvelables, qui a trouvé dans la réserve de Borana – considérée par de nombreux experts comme le Masai Mara d’il y a trente ans – l’emplacement idéal d’une maison de famille. Retraite pour les siens, et d’autres qui peuvent désormais louer (uniquement dans sa totalité) ce bijou, ce lieu “off grid” (hors réseau) est né après trois longues années passées à scruter le terrain, la lumière, le vent et la faune. Un vœu d’invisibilité qui concorde avec le mantra du sanctuaire où paissent les derniers rhinocéros noirs d’un pays qui, à condition d’une taxe conséquente destinée à la protection animale, a accordé droit de sol à cinq lodges, dont cet ovni.
Harmonie infinie
Passé une lourde porte de bois, soudain l’Afrique s’efface. Elle cède la place à un cloître bordant un jardin provençal. Parfum de jasmin et roses blanches, buissons de romarin et d’origan, zinzin des butineuses autour des lavandes. Le cœur végétal serti d’eau est encadré d’une galerie voûtée, directement inspirée par l’abbaye du Thoronet, édifice cistercien bâti dans le Var au XIIe siècle. La configuration semi-enterrée évoque quant à elle les églises éthiopiennes de Lalibela, miracles taillés à la même époque et restés ignorés de l’Occident quatre siècles durant.
Trésor caché, L’Arijiju est ouvert sur le monde par de monumentales verrières qui reflètent des mirages de brousse. À l’intérieur, une harmonie infinie. Équilibre entre la rusticité d’une table massive du Congo et la finesse d’un lustre de Jaipur. Quatorze anges gardiens veillent sur la sérénité de leurs hôtes. En cuisine, rien qui ne soit pas préparé maison : pâtes fraîches, smoothie et houmous (à partir des fruits et légumes du jardin), pain cuit à la demande, orné d’un brin de romarin – le sens du beau dans les moindres détails.
À l’ouest, la maison fait l’éloge de la paresse, sur les daybeds de Lamu, sous un olivier noueux, et au bord d’une piscine débordant dans le ciel, sirotée à l’occasion par les éléphants. Au spa, des mains de fées préparent des soins à base de fruits, de sels himalayens et d’huiles essentielles locales. Elles prodiguent des massages profonds inspirés de techniques massaï et samburu. Tout semble flotter en silence dans le parfum des fleurs fraîches et chacun adopte la démarche chaloupée des girafes qui passent au loin. Plus rien ne sert de courir.
Enfin, les cinq “cellules” récitent sous d’immenses nefs les louanges d’un confort divin baigné de la lumière de l’Afrique. Malles-armoires en cuir d’Inde, baignoire anglaise en cuivre, cheminée crépitante. Une retraite de damné, regagnée chaque soir sous l’immense voûte céleste, définitivement vouée, elle aussi, à l’Arijiju.
Par
BAPTISTE BRIAND
Photographies
OLIVIER ROMANO