Amérique latine, un continent de natures

Amérique latine, un continent de natures

C’est le poumon du monde. On pense à l’Amazonie, bien sûr. Mais pas seulement : les grandes forêts du Panama, du Costa Rica, du Guatemala… Les grands espaces de la Pampa Bolivienne ou Argentine, les steppes mythiques de Patagonie. Et il n’y a pas que le corps qui respire… Où donc mieux se retrouver que dans les terres des chamans ? En traversant le continent de haut en bas, de Sonora à Ushuaia, en suivant la panaméricaine, et en prenant, de temps en temps, des chemins de traverse, les grands espaces se suivent et ne se ressemblent pas… Arrêts sur images aléatoires.

 

Tout au Nord du Mexique, le désert de Sonora abrite les plus grands cactus du monde. Le géant des géants, le Pachycereus pringlei, qui a pu dépasser 19 mètres, se pare une fois adulte de ses fleurs blanches en entonnoir, et le Saguaro, qui, bon pied bon œil, vit plus de 150 ans, atteint régulièrement les 15 mètres, pèse de 4 à 5 tonnes, et, véritable château d’eau, contient jusqu’à 3000 litres d’eau dans sa colonne (mais deux fois moins pendant les mois de sécheresse). Côté faune, des coyotes et des antilopes américaines, des pumas, de minuscules rats kangourous, de grands géocoucous et des dindons sauvages, et l’énigmatique monstre de Gila qui trimballe son décor pop art sur les sables du désert. Et, quelque part, le jaguar, que l’on verra peut-être un jour.

 

Parc national de Coiba - Panama

Parc national de Coiba - Panama / A. Balaguer/ARCHIVOLATINO-REA

Au sud du pays, au Chiapas, la jungle de Lancadona ou le canon del Sumidero, à descendre en bateau, sur le fleuve Grijalva. Du haut des falaises, en à-pic d’un bon 500 mètres, peut-être que le Jaguar nous observe…

Passons au Guatemala : la nature brute, volcanique, déploie ses reliefs et ses lacs. Au XIXe siècle, l'explorateur Allemand Alexander von Humboldt a nommé le lac Atitlan « plus beau lac du monde ». Plus près de nous, Aldous Huxley écrivait de lui : « C'est vraiment au-dessus de tout ». Remplissant une caldeira immense, née d'une éruption il y a 84 000 ans, il est, avec 350 mètres de fond, le lac le plus profond d'Amérique centrale. Ses eaux bleues, les jours de calme (les jours où le Xocomil se lève, il se transforme en mer en furie, rendant périlleuse la navigation), reflètent les silhouettes des trois majestueux volcans qui le bordent sur son versant Sud : le San Pedro, le Tolimán, et le volcan Atitlán qui domine l’ensemble, à plus de 3 500 mètres. 

 

Semuc Champey - Guatemala

Semuc Champey - Guatemala / James Barringer/The New York Times-REDUX-REA 

Au Nicaragua, choisissons la biosphère de Bosawas, le lieu d'habitation séculaire des autochtones Mayangna, qui, en développant une connaissance complexe de la flore et la faune locales, ont façonné l'écosystème du territoire à travers leurs pratiques culturelles. Le lieu est reconnu pour sa biodiversité unique, ainsi que ses nombreuses espèces rares et menacées. Vous pourrez tomber nez à nez avec certaines des dernières populations d'Amérique centrale : fourmilier géant, tapir de Baird, singe-araignée d'Amérique centrale, aigle harpie, crocodile américain… Et peut-être entrevoir un jaguar.

Costa Rica, Panama : les forêts ont le look amazone. Moins grandes certes, mais à y cheminer à échelle humaine on ne sent pas la différence, plus préservées peut être, et où, dans un univers vert profond, gras, odorant, les couleurs fusent, animales, végétales, ici le rouge d’une fleur géante, là le violet d’une orchidée, plus loin de jaune vif du bec du toucan, le bleu de l’ara, tempéré par le brun-gris du paresseux qui se meut mollement. Et quelque part, tout près peut-être, le jaguar, dont on imagine l’effet choc que feraient ses motifs graphiques sur les grandes feuilles de la forêt.

 

Forêt du Costa Rica

Forêt du Costa Rica - Andre Schumacher/laif-REA

Prêts pour le plat de résistance ? L’Amazonie, la moitié des forêts tropicales de la planète à elle seule ! Présente sur 9 pays, Bolivie, Pérou, Colombie, Equateur, Venezuela, Guyane et Guyane française, Suriname, et le Brésil, qui, abritant près des deux tiers de la surface de la forêt, se taille la part du lion – ou du jaguar. Déesse en danger, elle dit tout et son contraire, pour mieux nous déstabiliser. Si grande, et encore à 80% intacte, elle parait indestructible, sa puissance de régénération paraît telle, dans ces échelles de Titan, que l’on a envie d’envoyer bouler les pessimistes qui nous alarment : « attention, elle peut avoir complètement disparu dans moins de quarante ans ! ». Et puis, on voit les zones dévastées, la terre rouge, stérilisée, qui saigne et hurle sa souffrance, des blessures géantes, peut-être irréversibles, et on se prend à paniquer, se projeter dans un monde post-catastrophe écologique qui ne serait plus de science-fiction. Alors, à la façon de Peter Pan, on ferme les yeux très fort, et tout en avançant on se répète « Je veux que les fées existent, j’y crois, j’y crois ! », et cette fois encore ça marche, la forêt verte est revenue (d’ailleurs, ça sent très fort les fleurs, c’est l’odeur du jaguar qui est là).

 

Par

VERONIQUE DURRUTY