Discrète, alors qu’elle couvre une vaste partie du sud du Portugal, la région de l’Alentejo offre une diversité de paysages façonnés par l’histoire et le temps. Qui s’écoule paisiblement sur cette terre aux airs de Toscane, entre une sieste au pied d’un olivier et une dégustation d’un vin de renom.
Au sud de Lisbonne, l’Alentejo – littéralement “Au-delà du Tage” – déroule un océan de plaines céréalières piquées de chênes lièges, de vignes et d’oliveraies, des rives de l’Atlantique à la frontière espagnole. Plus discrète que l’Algarve qui la borde, cette région aux allures de Toscane lusitanienne a adopté un tempo qui lui est propre, douce quiétude de la vie rurale sous un blond soleil. Les villages chaulés, fortifiés pour certains, se juxtaposent harmonieusement à cette campagne immuable, conférant à l’Alentejo son identité bien marquée. Aux portes de la capitale, c’est un autre monde. Un Portugal préservé, bien loin de la branchitude lisboète. La campagne ondule imperceptiblement, traversée de quelques routes photogéniques. Pas l’ombre d’une contrariété à l’horizon. Au printemps, les fleurs sauvages tapissent les champs de pointillés blancs et roses, bientôt suivies des coquelicots et de la lavande.
L’été, l’étagement des prairies dorées, du vert coriace des oliviers et du bleu profond du ciel a quelque chose d’émouvant. On peut rouler des kilomètres durant sans croiser âme qui vive – exception faite des cochons noirs et des vaches à longues cornes. Et quand finalement, la silhouette blanche d’un village se dessine, on s’y octroie une halte sans rupture de charme. Quelque agitation – toute relative – qui pourrait survenir à un marché ou une terrasse de café ne saurait durer : la tranquillité est ici un mode de vie, entre sieste routinière et nouvelles échangées sur les bancs des places publiques. Même Évora, la capitale-musée de l’Alentejo inscrite au patrimoine de l’Unesco, manifeste une douceur de vivre intacte malgré son aura touristique.
Un attachement à la terre
Mais la région n’a pas toujours été si paisible. L’histoire moderne a retenu son nom à l’heure de la révolution des Œillets de 1974. Bien avant cela, les invasions, reconquêtes et alliances successives ont façonné une diversité d’architectures, ainsi que de formidables valeurs d’entraide et de pugnacité. Les Alentejans sont fiers, mélancoliques aussi, profondément attachés à la terre et aux métiers traditionnels. Des cultivateurs qui avaient dû fuir vers les grandes villes reprennent possession de leurs terrains ; des architectes et designers réhabilitent des écoles en maisons d’hôtes ; des céramistes, tisserands et tapissiers installent leurs échoppes dans les villages.
Foulards rouges autour du cou, les hommes perpétuent le cante alentejano, chant traditionnel polyphonique qui raconte la terre, la famille, la dureté de la vie rurale.
Une région labellisée
En poursuivant la route, bucolique, on croise ici et là une herdade, la quinta alentejane. Ces romaines agricoles regroupent historiquement des terres cultivées (blé, maïs, oliveraies, vignes), d’autres pour l’élevage (les prestigieux chevaux lusitaniens, le bétail) et une maison de famille souvent modeste. Certaines herdades ouvrent aujourd’hui leurs portes aux hôtes de passage, en particulier celles dédiées à la production du vin et de l’huile d’olive. Car les vignobles et oliveraies prennent peu à peu le pas sur les champs de céréales. L’Alentejo compte désormais huit zones d’AOC produisant vins de renom et huiles d’olive subtiles.
De part et d’autre de cette campagne, deux parcs naturels émergent en points cardinaux de l’Alentejo. Celui de la Serra de São Mamede, au nord, se distingue par ses imposantes formations rocheuses de quartz, terrain de prédilection des randonneurs et VTTistes, et ses villages médiévaux aux demeures chaulées.
Au sud, les rivages accidentés du fleuve Guadiana camouflent ici une chute d’eau, là un épais maquis, là encore les ruines d’un moulin à eau séculaire. Entre les deux, le long de la frontière espagnole, s’étire l’Alqueva. Plus grand lac artificiel d’Europe, il a été conçu pour irriguer les vignobles et oliveraies endommagés par la sécheresse. C’est à lui aussi que la région doit son label de “Starlight Tourist Destinations”, pour ses conditions optimales d’observation de notre galaxie. De là, on prend de la hauteur pour gagner le village médiéval de Monsaraz, nid d’aigle de l’Alentejo.
Les bougainvilliers s’échappent des murets de pierre, les ruelles grimpent jusqu’au château dans une atmosphère poétique, presque hors du temps. En contrebas, un dernier regard sur le lac, la rivière Guadiana qui s’écoule tranquillement et les plaines vallonnées de l’Alentejo, à perte de vue.
In the mood
En Alentejo, la campagne ondule imperceptiblement et l’on vit ici l’art de prendre son temps, de se perdre dans les nuances de vert des plaines agraires, des collines couvertes de chênes et d’oliviers, de flâner dans les villages de maisons blanches piquées de fleurs, au bord de pavés irréguliers. On est là proche de Comporta. Celle que l’on chuchote, ou dont on parle sans la nommer de peur de trahir le secret. Direction l’est et l’arrière-pays ensuite. Un monde rural qui sait vivre et recevoir, pour peu que l’on s’y attable. Du côté d’Estremoz, on se perd dans les carrières de marbre blanc ou rose. La région de Monsaraz n’est pas avare en domaines viticoles de qualité et en gastronomie généreuse. Bucoliques à souhait, ses paysages invitent à la promenade. Dessiné par de petites ruelles médiévales et orné d’élégants palais et d’enchanteurs patios d’influence mauresque, le centre d’Évora déploie des charmes d’authenticité.