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Le savonnier de Marseille

Le savonnier de Marseille

Daniel Boetto est à la tête de la Savonnerie Le Sérail, la dernière traditionnelle de Marseille, créée en 1949 par son père. Issu d’un savoir-faire séculaire, le savon de Marseille est un produit emblématique de la cité phocéenne. Industrie florissante jusqu’à la Grande Guerre, la savonnerie a connu des jours moins fastes à l’arrivée des machines à laver et des lessives. Récit.

 

Que pouvez-vous nous dire sur l’histoire du savon de Marseille ?

Daniel Boetto – L’activité de la savonnerie en Provence existe depuis le Moyen Âge. La région dispose de toutes les matières premières nécessaires à la fabrication d’un savon : l’huile d’olive, la soude et le sel en provenance de la Camargue. L’âge d’or du savon de Marseille est compris entre le milieu du XIXe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale qui marque le début du déclin de sa production. Il existait une centaine de savonnerie à l’époque. L’arrivée sur le marché des machines à laver et des lessives a remplacé son utilisation dans les foyers.

 

La savonnerie Le Sérail est la dernière savonnerie artisanale et traditionnelle marseillaise. Comment a-t-elle vu le jour ?

Mon père, Vincent Boetto, s’est formé à la savonnerie à son retour de déportation après la guerre de 39-45. Il a fait le pari de créer en 1949 Le Sérail pour perpétuer le savoir-faire et la tradition du véritable savon de Marseille. Il a installé son atelier dans une ancienne ferme laitière, à l’époque où les alentours étaient constitués de champs. Nous sommes fiers d’avoir conservé l’ensemble du matériel légué par mon père, notamment les chaudrons dans lesquels est fabriquée la pâte à savon. L’ensemble de notre matériel a plus d’un siècle et nous permet d’exploiter le procédé traditionnel de la fabrication du savon de Marseille.

 

Comment peut-on reconnaître un véritable savon de Marseille ?

Le “savon de Marseille” est une appellation qui ne fait l’objet d’aucune protection et nombreuses sont les contrefaçons. Le véritable savon de Marseille est composé de 72 % d’huiles végétales, d’eau, de sel et de soude uniquement. Il ne contient aucun parfum, conservateur, blanchissant et colorant. On peut trouver des savons de Marseille vert ou blanc crème selon qu’il soit fabriqué à partir d’huile d’olive ou d’huile de coprah.

 

Quel est le procédé traditionnel de fabrication que vous perpétuez au Sérail ?

L’authentique savon de Marseille est fabriqué au chaudron selon un procédé de saponification à chaud, appelé “procédé marseillais”, dont la recette s’exécute en plusieurs étapes immuables. La création de la pâte au chaudron demande une semaine. Ensuite, le savon est coulé à chaud dans des bassins où il va se solidifier à mesure qu’il refroidit. Nous le découpons manuellement en bloc de 50 kilos avant de le déposer sur des clayettes où il va sécher à l’air libre. L’ensemble de l’opération demande vingt et un jours de travail. Le savon de Marseille naît d’un processus lent et artisanal qui fait le gage d’un produit authentique et de qualité.

 

Par

MAGALI PERRUCHINI

 

Photographie

JULIEN MIGNOT