Au cœur du Rwanda, les cocons de paille tressée du Bisate Lodge se détachent de l’opulente forêt tropicale. C’est ici, sur les pentes de la chaîne des Virunga, que l’adresse a édifié son projet visionnaire, matérialisé par des huttes insolites. Inspirés des demeures royales tutsis, les nids répondent aux milliers de collines qui façonnent le paysage rwandais. Ce paradis de vert résonne des cris des gorilles habilement dissimulés dans la brume. Une rencontre avec ces silhouettes sombres relève du privilège. Pas d’inquiétude : vous êtes ici aux premières lo(d)ges.
Un amphithéâtre naturel
À l’horizon se dessine la silhouette des volcans endormis qui composent le massif des Virunga : Bisoke, Mikeno et Karisimbi, le plus grand de la famille, avec ses 4507 mètres. Un panorama aussi envoûtant qu’élancé. L’adresse est située à quelques minutes seulement de Kinigi, la porte d’entrée du Volcanoes National Park. Cette géologie innerve en filigrane toute la zone : à l’emplacement du Bisate Lodge se tenait, il y a plusieurs millions d’années, un cône éruptif. C’est sur ses pentes érodées que les six chambres de l’adresse ont été installées. Le site ne se limite toutefois pas à ces quelques particuliers, loin s’en faut : il s’étend sur 27 hectares de végétation dense. Une avalanche de vert qui ne surprend pas dans cette région d’altitude bénie par les eaux. En résulte un écosystème à part ponctué de zones diverses : forêts de conifères et de bambous, marécages et landes… Cet habitat varié attire une faune tout aussi diversifiée sur laquelle les gorilles des montagnes règnent en maître – dans le cœur des visiteurs a minima.
La vitrine du Rwanda
Fruits de l’imagination de l’architecte sud-africain Nicholas Plewman, les quelques cocons de paille qui composent l’établissement font écho aux huttes vernaculaires rwandaises. Ces logis de papyrus coiffés de chaume hébergeaient même en leur temps le mwami et la mwamikazi, les rois de la tribu, ainsi qu’en témoignent les reconstructions visibles à Nyanza. Sous le toit tressé, l’hommage continue. Les chambres chaleureuses sont richement décorées avec des clins d’œil à l’artisanat local : ici, le motif ibyansi traditionnellement utilisé pour les jarres à lait ; là, les formes géométriques de l’art imigongo. Sans rompre l’unité du lieu, quelques éléments de modernité s’intercalent avec des lustres en verre recyclé et des touches de métal. L’ensemble s’organise autour d’une belle cheminée centrale en roche magmatique – un tribut à l’héritage volcanique de la région. Tout à côté, la salle de bains est ornée à la fois d’une douche et d’une baignoire – pourquoi choisir ? De retour dans la chambre, les options qu’offrent les différents espaces laissent rêveur : éprouver la literie de qualité, prendre place dans les fauteuils moelleux pour échanger sur les aventures de la journée ou s’attabler au bureau pour les coucher sur le papier et devenir la prochaine Karen Blixen. Le tout, sous un plafond circulaire qui donne le sentiment d’un cocon. Alors, enfin, on émerge de ce dernier pour profiter de la terrasse.
L’avenir du tourisme durable
Le voyage se poursuit du côté du restaurant. Au cœur d’une salle cossue et lumineuse, l’adresse met en œuvre les principes du sacro-saint Earth-to-plate (« de la terre à l’assiette »). La terre, c’est celle du potager du lodge. Une nécessité pour un établissement qui ambitionne de devenir auto-suffisant et durable. Les ingrédients qui ne sont pas cueillis directement dans le jardin attenant sont, autant que possible, sourcés auprès des communautés voisines – c’est notamment le cas des œufs et des pommes de terre. À ces quelques mesures s’ajoutent d’autres pratiques qui contribuent à faire de l’hôtel un modèle d’écotourisme durable. L’utilisation de l’eau est raisonnée : tandis que celle des pluies est récupérée pour être réutilisée (pour les douches et toilettes notamment), celle destinée à la consommation est filtrée et purifiée après avoir été sourcée dans les montagnes. À l’entour de ces dernières, un ambitieux projet de reboisement est mis en œuvre : il devrait permettre de donner un nouveau souffle à la région à l’aide de plantes indigènes. Plus de 15 000 arbres témoignent de l’envergure de ce projet en marche. Enfin, parce que les habitants sont au moins aussi importants que l’environnement, les initiatives en faveur des communautés locales se multiplient et le personnel est recruté en priorité parmi celles-ci.
Au-delà d’un séjour, une expérience
Les journées pourraient parfaitement s’écouler dans la splendeur du lodge, agrémenté de services très complets. Par-delà le restaurant et le bar, l’adresse bénéficie en effet d’un espace lounge, d’une bibliothèque ainsi que d’un spa géré par des experts aux soins desquels on s’abandonne volontiers. Tant de kilomètres ont été parcourus qu’il serait toutefois dommage de rester à l’intérieur, fut-ce dans des nids aussi coquets. À quelques pas du lodge, la pépinière se prête admirablement à une visite. Rejoindre les lacs Ruhondo et Burera permet d’adopter un autre point de vue sur les merveilles naturelles de la zone ; le village voisin d’Iby’wacu est une belle introduction à la vie d’ici. Localiser l’élusif singe doré endémique permet d’aiguiser ses talents de traqueur. Autant d’options qui méritent qu’on leur consacre un peu de temps. L’activité incontournable du secteur demeure toutefois la rencontre avec les gorilles de montagne. Les clans résidant dans la chaîne des Virunga représentent un tiers de la population mondiale et, incontestablement, le vrai trésor du Rwanda. Départ à pied dans le labyrinthe de vert nimbé de brume sur les traces d’une famille. Chaque – petite – équipe de visiteurs se voit attribuer un groupe à rejoindre. Le périple dure plusieurs minutes à plusieurs heures, selon les dernières errances des grands singes. À l’arrivée, les gorilles s’entendent et se sentent avant même de se voir. Enfin, leurs imposants corps noirs se détachent du vert soutenu du feuillage. Une heure entière peut être passée en leur compagnie à les regarder évoluer. Puis, il est temps de rejoindre le lodge où, fort heureusement, le rêve se poursuit.
Bkamprath/Getty Images/iStockphoto
Entre cratères et grands singes, cette adresse éco-pensée ouverte sur le paysage du rift Albertin est la garantie d’une expérience qui embrasse – et dépasse – la rencontre avec une espèce de gorilles en danger critique d’extinction.
Par
MARION LE DORTZ
Photographies : Bisate Lodge