Les monastères et les universités de la première ville du Nouveau Monde, cinq siècles d’histoire, des mangroves et des plantations de tabac, les sons du merengue, l’hospitalité tranquille de ses habitants : la mère de toutes les terres offre plus que l’azur de la mer et le vert des cocoteraies.
Le destin des Amériques se scelle sur ces terres, un jour de décembre 1492 : Christophe Colomb se croit aux Indes, il aborde Quisqueya, « la mère de toutes les terres » alors peuplée d’ «Indiens » Tainos. Santo Domingo (d’abord baptisée Nueva Isabela), la première ville des Amériques, est érigée au bord de la mer des Caraïbes, et devient le point de départ des expéditions des conquistadors. Espagnols, Français et Britanniques se succèdent dans le pays, et, avec eux, des esclaves. Première cathédrale, première université, premier monastère : chaque édifice est l’empreinte de l’élan pionnier qui préside à l’édification de la ville. A Santo Domingo, la conquête du Nouveau Monde se raconte aussi sur les façades de corail des anciennes demeures, dont les patios sont fleuris de bougainvilliers, et sur les places ombragées aux églises Renaissance. Les rues pavées sont peuplées de vendeurs ambulants de coco et de canne à sucre. Une ruelle, petites maisons colorées, une table posée à l’ombre d’un flamboyant, joueurs attablés tenant leurs dominos à l’horizontal dans une main : les dominos claquent, les voix montent, les coups s’accélèrent. Ici, comme partout dans les Caraïbes, le domino est sport national !
Jarabacoa, forêts de pins, collines de champs de canne à sucre. Les plantations défilent, au bord de la route, les gamins poussant des vélos trop grands pour eux saluent de grands gestes souriants. Un peu plus au nord, après Santiago, la vallée du Cibao : c’est ici, grâce aux cordillères qui protègent la vallée des vents marins, que poussent les meilleurs crus de tabac de l’île. Sous le ciel mauve, les grands palmiers se dressent au milieu des champs ponctués de séchoirs – senteurs acres des feuilles de tabac. Il y aussi des rizières et des caféiers, des jardins méticuleusement entretenus, manioc, ignames, rangées d’ananas, bananiers ployant sous les régimes de fruits, et des cacaotiers, de toutes les variétés, aux cabosses rouges, jaunes, vertes, brunes.
Olivier Metzger
Un long ruban de sable blond, entre le turquoise de l’eau et le vert de la cocoteraie ; le bleu du ciel, et quelques cases créoles de toutes les couleurs. La mer, le sable et l’horizon scintillent sous le soleil. Samana, péninsule qui pointe au nord-est, est une terre presque vierge, une autre République dominicaine, loin du tourisme de masse. Des kilomètres de sable fin, des milliers de cocotiers. Ici, aucune construction, pas même une église, ne dépasse la taille d’un cocotier : c’est la loi dans la province – c’est dire l’importance accordée au monde végétal. Sur la baie, on navigue entre les forêts de mangrove du parc Los Haïtises – les racines aériennes des palétuviers s’élancent dans les eaux marécageuses – et les pitons rocheux érigés, couverts de végétation (qui donnent au paysage des airs de Baie d’Halong !). La route plonge en lacets jusqu’à Las Terrenas, petit village pieds dans l’eau. Les pêcheurs debout dans leurs barques font virevolter leurs filets, un peu plus loin sur la plage, des paillotes servent des langoustes grillées. A la nuit tombée, les petites échoppes se font guinguettes, illuminant les trottoirs. Güira (une sorte de râpe en laiton sur laquelle on frotte une racle), tambora (un tambour en peau de chèvre), accordéon : merengue perico ripiao ! Les couples de danseurs évoluent avec grâce, comme en apesanteur.
Et de ce voyage on gardera longtemps le souvenir lumineux d’une autre parade amoureuse, celle des baleines à bosse !